« Ces vaccins ont été développés trop vite », « L’utilisation de l’ARN messager pose question », « Qu’en est-il des effets secondaires ? »… Quelques jours à peine après l’autorisation des premiers vaccins contre le Covid-19, et surtout la présentation de la technologie thérapeutique nouvelle sur laquelle ils se basent, les interrogations se sont multipliées au sein de la population. La défiance de certains a mené plusieurs professionnels de santé à tenter d’expliquer, rassurer. C’est notamment le cas des Docteurs Charles Marcucci et Muriel Henry, respectivement pharmacien et cheffe de la Pharmacie à Usage Intérieur (PUI) du Centre Hospitalier de Clermont-de-l’Oise.
Tous concernés
Plusieurs jours avant les vacances de Noël et le lancement des premières vaccinations, ces deux professionnels hospitaliers ont organisé deux tables rondes avec les équipes de la PUI picarde. « Tout le personnel était concerné, qu’il soit soignant, médical ou non médical », raconte Charles Marcucci. Pendant plusieurs dizaines de minutes, secrétaires, préparateurs, magasiniers et médecins se sont ainsi retrouvés pour faire un point sur cette campagne de vaccination, lors d’une réunion, « moins formelle qu’une formation et amenant donc plus facilement à la discussion », insiste Charles Marcucci. « Notre but n’était pas de convaincre les personnes pour qu’elles se fassent vacciner, mais bien de les informer afin qu’elles puissent prendre une décision personnelle et éclairée », ajoute le pharmacien.
Un temps pour expliquer…
Pour ce faire, le professionnel de santé a détaillé les principaux aspects de ces vaccins de nouvelle génération : les modalités de conception, le mode d’action, les possibles effets secondaires… Se formant lui-même régulièrement et suivant de près les innovations concernant sa spécialité, il s’est basé sur plusieurs études pour informer au mieux tous ceux présents lors des tables rondes. Pour expliquer le déroulement des essais cliniques en double aveugle, une approche éprouvée pour évaluer un produit de santé, médicament ou vaccin, le pharmacien s’est ainsi inspiré d’une vidéo parue sur la chaîne YouTube La statistique expliquée à mon chat, dont la dimension pédagogique l’a interpelé. « En échangeant avec les équipes, je me suis rendu compte que beaucoup ne connaissait pas réellement ce type d’essais. Il m’a donc paru utile d’en présenter les grandes lignes et d’y ajouter plusieurs notions comme les effets de corrélations ou de cause à effet », raconte Charles Marcucci. Dès la première réunion, il a ainsi pu mettre à profit ces concepts pour répondre à plusieurs interrogations, qui ont parfois dépassé le seul cadre des vaccins Covid. Les soi-disant liens entre le vaccin contre l’hépatite B et la sclérose en plaque, par exemple, sont ainsi revenus sur le tapis.
…et répondre aux interrogations
« C’est une bonne illustration de la manière dont deux informations peuvent sembler corrélées, alors qu’elles n’ont en réalité aucun lien de cause à effet. Les vaccins contre l’hépatite B ont en effet été développés à la même époque que les scanners, qui ont permis de mieux diagnostiquer la sclérose en plaque. L’augmentation des cas détectés a, dans l’imaginaire collectif, été mise en relation avec cette vaccination », indique Charles Marcucci. Grâce à ces explications, mais aussi aux échanges qu’elles ont permis d’initier, les réunions organisées au sein de la PUI de Clermont-de-l’Oise ont permis à tous de s’exprimer et de partager leur ressenti personnel. « Le but était d’engager le dialogue pour appuyer la réflexion, durant les réunions mais même au-delà », ajoute le pharmacien. Les professionnels de santé de l’établissement picard ont d’ailleursparié sur le partage de ces informations au sien du cercle familial et amical – partage qu’ils ont effectivement observé.« C’était aussi l’une des raisons pour lesquelles nous avions souhaité tenir ces tables rondes avant Noël », confie Charles Marcucci.
D’autres démarches mises en place par le CH
Parallèlement à cette expérience, le Dr Tiphaine Ollivier, cheffe du pôle gériatrie, le Dr Pierre Pinaud, chef adjoint du service des urgences, et Camille Alexandre, infirmière hygiéniste, ont conduit, en lien avec la PUI, un projet comportant la création d’un support d’information reprenant les principales données concernant la vaccination contre le Covid-19. « Nous avons décidé de présenter cela à travers un triptyque sous forme de questions-réponses, afin de répondre aux principales interrogations entendues lors de nos tables rondes, mais aussi à l’extérieur de l’établissement », ajoute Charles Marcucci. Une démarche complétée par la création d’une adresse mail dédiée, afin de recevoir les questions des équipes et patients et pouvoir continuer d’atténuer leurs inquiétudes. « De plus avec le réseau Meredith Santé, dont fait partie le CH, un webinaire sur la vaccination animé par le Dr Pierre Pinaud et par le Dr Cédric Joseph, infectiologue, a été réalisé en direction des professionnels de ville, continue-t-il. Ce webinaire a été mis à disposition du personnel de l’hôpital via la plateforme YouTube ».
Des piqûres de rappel régulières
Toutes ces initiatives ont ainsi permis d’engager la réflexion de tous. « Depuis que notre flyer circule, de plus en plus de personnes viennent nous questionner dans les couloirs et sur les pas de portes », raconte le pharmacien. Pour répondre à ces demandes loin de se tarir, il n’hésite d’ailleurs pas à prendre du temps sur des réunions de services pour compléter les informations fournies avec des données nouvelles. « L’idée étant de proposer une information continue afin que tous soient régulièrement mis au courant des dernières évolutions, en particulier les études menées à travers le monde », précise Charles Marcucci. Dernièrement, le pharmacien a d’ailleurs consacré l’une des interventions destinées à l’équipe de la PUI à l’explication des données arrivant d’Israël, pays ayant à ce jour le plus vacciné contre le Covid-19 : « Un cas comme celui-là est particulièrement intéressant car concret », ce qui lui permet donc, une fois de plus, d’enrichir la réflexion de tous.
Article publié dans le numéro de février d'Hospitalia à consulter ici.